L' ÉTÉ
"The London Tanners" ferme ses portes. Ian et Jo partent se goberger en Espagne. Ils ont raison. On fera sans eux.
Il fait chaud. Très chaud. Un été exceptionnel sur la France, la Belgique, et même ailleurs si j'ai bien suivi.
J'aime la chaleur. Le froid est mon ennemi, le froid me tue. Enfin, il essaie. Il n'a pas encore réussi, mais il me cherche, ce salaud, quand il est là !...
Mais il n'est plus là depuis des semaines. J'ai cessé de porter un t-shirt sous ma chemise. Ma chemise est même parfois de trop, mais il n'est pas évident de s'en débarrasser et de rester à peu près décent si l'on est pas chez soi.
Pour lors, dehors, les terrasses des bistrots regorgent de bermudas en sueur, de petites culottes moites et même d'absence de petites culottes, probablement.
Les shorts se font de plus en plus shorts.
Oasis engrange de quoi faire plaisir à ses actionnaires.
Je ne l'aide pas, préférant nettement le cava bien glacé. "Frappé" est le terme exact, qui convient bien à la situation.
L'ombre des volets à-demi clos, deux flûtes, des bulles chatoyantes et bruissantes si on approche l'oreille. Des qui piquent la peau en s'échappant du cristal, fraîches, toniques, excitantes. Erotiques. Et scellant l'accord tacite de ce qui va suivre.
Et puis l'odeur du cuir. Le sifflement, le chuintement, le claquement des lanières.
Des sons, des sensations, des saveurs. Des gorges sèches humectées en vin, des peaux qui se chairdepoulisent malgré le torride du climat et de l'instant.
Celle qui reçoit, celui qui donne. Entente parfaite, plaisir partagé. Douleur, excitation aussi.
Des bribes de voix, de mots, des réflexions, des ordres plus secs. Des plaintes, des protestations éplorées et inutiles. Si, utiles à notre jeu délicieusement pervers.
Et toujours le cuir souple qui mord la peau moite, qui la fait rougir et prendre du relief par endroits.
La chaleur.
L'entrebâillement d'une fenêtre autorise Un coulis de brise tiède qui caresse les dômes enflammés par le fouet.
Dehors, une corneille craille. Des voix geignardes se plaignent de la température.
Sans intérêt. Nous sommes ailleurs, nous ne sommes même pas dans ce monde. Plus tard... On y reviendra plus tard.
Le nectar gouleyant, vivifiant, nous flatte le palais, nous redonne du souffle.
Le temps d'une pause...