Les Lumières de la Nuit
La lumière est indispensable à toute oeuvre artistique. Elle est même à l'origine de tout ce que l'on voit, puisque, Comme disait un chef op' de mes relations : "dans le noir, y' a pas d'image..."
Je viens d'enfoncer une porte ouverte, et je n'en suis pas peu satisfait.
La photographie est un bon exemple, puisque "photo" veut dire en Grec (à peu près, hein) lumière, ou qui se sert de la lumière, et "graphie", l'image. "Peindre avec la lumière", c'est assez joli. Et c'est parfaitement vrai...
Lorsqu'on représente un paysage ou un personnage, ou encore une nature morte, c'est bien la lumière baignant le sujet qui en fait la forme et l'ambiance. L'ombre et la lumière, l'une n'existant pas sans l'autre, sont les fondements incontournables de la représentation picturale "à l'ancienne". Je veux dire par là : "réaliste" .
J'éviterai de déverser mon mépris sur les barbouilleurs merdeux qui se sont engouffrés, bien trop contents de pouvoir briller dans leur médiocrité, dans le sillage de Picasso. Que le cul leur pèle.
Tout cela pour dire que la lumière, qui génère l'ombre, est capitale, et lorsqu'un Artiste maîtrise parfaitement ces deux paramètres, il peut faire naître des images qui vont nous toucher jusques au tréfonds du slip.
Aujourd'hui, ladies and gentlemen, je veux vous parler de John Atkinson GRIMSHAW.
John Atkinson Grimshaw (6 septembre 1836 – 13 octobre 1893) est un peintre de l’époque victorienne, dont la bobine ne respire pas la santé.
Il a abordé tous les sujets et peint des portraits, des bouquets de fleurs, des oiseaux (parfois morts)...
Il a tâté de l'Orientalisme, un genre très en vogue dans ces années là, mais sans égaler les Maîtres comme Jean-Léon Gérôme ou Ludwig Deutch, pour ne citer que les plus grands.
Il commet ausi des scènes gnan-gnan, à la limite du naïf. Mais naïf pas tant que ça, quand on considère le traité du décor...
... Et parfois, du super-kitch !...
Ou des paysages riants -si c'est possible- de son Angleterre natale...
L'une de ses dernières toiles. Sinon poilante, du moins parfaite. Détaillée et dépouillée à la fois, ce qui n'est pas évident, et signe d'une absolue maîtrise de son art. Rien n'est plus difficultueux que la simplicité. En fait, Grimshaw n'est pas à l'aise avec les personnages, mais il est un hallucinant paysagiste.
Ce qui m'a fasciné dans son oeuvre, ce sont ses paysages urbains nocturnes, ou entre chien et loup.
Là, je suis transporté dans un univers, une époque, bien mieux que la meilleure des photos ne pourrait le faire. J'ai envie de m'y projeter, d'aller voir plus près...
Voilà, j'y suis... Tiens, un couple que je n'avais pas repéré au premier coup d'oeil... Je ne veux pas déranger. Je m'éclipse... Je ressors de l'image !...
J'ai rarement vu des représentations de ciels nocturnes aussi étonnamment réalistes. Il s'en est fait pratiquement une spécialité, Atkinson, de la nuit et du crépuscule glauque hivernal... Le rendu de la bouillasse gelée est saisissant.
Comme souvent dans les tableaux d'Atkinson, un couple est là, qui marivaude -du moins peut-on le penser.
Il peint aussi le centre ville, à peine plus gai, mais mieux éclairé...
Les images, et particulièrement celle-ci, ne donnent sans doute pas une idée exacte des couleurs de ses toiles, et c'est dommage.
Un de ses tableaux de jour... Formidable précision documentaire. Grimshaw a souvent représenté les quais, les docs, mais généralement...
...La nuit. Et encore et toujours ces ciels floconneux, laissant parfois percer la lune pleine.
On peut penser que l'artiste fut particulièrement inspiré par cette baraque biscornue, Puisqu'il la représente par deux fois, sous deux angles différents.
Sur la première, il vient de neiger. Sur l'autre, les roues des fiacres et carioles ont transformé le tapis blanc en gadoue. Et la femme et sa petite fille sont toujours là...
Mais peu importent mes mots, les images parlent. Et elles disent que cet artiste est à classer parmis les grands.
Il y en a qui vont dire : "ouiii, bon, tout çaaa, il est bien, le Waldo, avec ses trucs sinistres, alors que nous, on espérait des fesses rougies !..."
Un peu d'imagination, voyons !... Nous sommes en Angleterre Victorienne, l'ère des châtiments corporels, le berceau de "l'éducation anglaise !... Que peut-il bien se passer derrière ces austères façades, à la clarté jaunâtre des bougies et des lampes à pétrole ?... Le sifflement de la cane de rotin, le claquement sur la peau nue, les plaintes étouffées...
Avec tout ça, j'ai pas pu m'empêcher, je suis rentré dans ce tableau là... Encore un couple, dans l'ombre...
Et derrière...
J'aimerais bien savoir comment il travaillait, mister Grimshaw. Il ne plantait sans doute pas son chevalet sur les routes verglassées, peignant à la lueur d'une lanterne !... Les balbutiements de la photographie de l'époque n'étaient pas non plus propices à réaliser des images nocturnes, alors qu'il fallait déjà poser assez longtemps en plein jour. L'oservation, sans doute. Mais une sacrée belle technique, by Jove !...
Et derrière, si vous avez une idée, ne vous gênez pas pour m'en faire part, mes p'tits loups !...