De Spirou à la Fessée...
Luc Lafnet est né à Liège (Belgique) en 1899. Il fait ses études de dessin et de peinture à l'Académie des Beaux-Arts de la ville. Il se lie d'amitié avec le futur créateur du Commissaire Maigret, Georges Simenon, Liégeois pas encore célèbre. A vingt-et-un ans, il s'installe à Paris.
Auto-portrait en 1918. La mort, dans son dos, lui offre une fleurette...
Soudards tarés et brutes épaisses, femmes lubriques et créatures sataniques grouillent dans une bonne part de son oeuvre, et déjà sur le bas-relief et à l'arrière-plan de cet auto-portrait de jeunesse.
En France, Il réalise des oeuvres décoratives, des fresques, des chemins de croix même, pour des lieux de culte, comme la chapelle de l'hôpital Saint-Jean, la chapelle du monastère de la Chaume à Port l'Abbé, la décoration de l'hôpital de Saint-Jean d'Angely, en Charente, et bien d'autres encore... Ce n'est pas rien !...
Plus curieusement, peu de temps avant sa mort, notre homme a aussi participé de près ou de loin à la création, par Rob Vel (le dessinateur français Robert Velter) en 1938, du personnage de "Spirou" !... Pendant la guerre, Rob Vel, mobilisé, envoie depuis le front ses crayonnés à Lafnet, qui en réalise l'encrage !...
Fermons la parenthèse, ce n'est pas le sujet de ce billet... (1)
Le sujet, c'est que nous, spanking addicts, connaissons surtout Luc Lafnet alias Viset, alias Lucas O. Ou encore Pol, Luc, ou Grim, sous le pseudonyme de Jim Black, un des illustrateurs incontournables de la mythique collection des "Orties Blanches".
Ainsi donc, quand Lafnet ne met pas son art au service de Dieu, il le met à celui du Diable, et pas qu'un peu !... Qui des deux le rappela près de lui, à sa mort, en 1939 ?... Nous ne saurions le dire, mais la production d'illustrations érotiques de l'artiste est assez impressionnante, pour ne pas dire qu'il n'a pratiquement fait que cela !... Il semble que son ami Simenon (grand homme à femmes) l'ait fortement encouragé à s'engager dans cette voie.
Il va donc illustrer Baudelaire et Sade, Théophile Gautier, Paul Verlaine, Georges Sim (Simenon) et nombre d'auteurs plus ou moins connus, mais presque toujours dans le domaine érotique.
Ce qui lui permettra de vivoter, mais jamais d'atteindre à la notoriété d'un artiste moins engagé dans ces voies sulfureuses.
Un autre auto-portrait, en 1935, quatre ans avant sa disparition. son style n'est pas très régulier, et il en change comme il change de pseudonymes !...
Il subit aussi des influences, ce qui est bien normal.
Ces deux images évoquent nettement l'admirable Félicien Rops ( 1833-1898 ) Namurois, lui... Allez les Belges !
Et celles-ci fleurent plutôt leur Gérôme Bosch !...
Mais venons-en au fouet. Euh, je voulais dire : venons-en au fait, mais c'est finalement la même chose...
Une vision effrayante du pensionnat. On y sent tout de même un certain humour !... Je me demande d'ailleurs, bien qu'il ait commis de nombreuses illustrations pour des romans de fessée et de flagellation, si Lafnet était concerné par le sujet (comme Louis Malteste, par exemple) ou s'il faisait simplement de l'alimentaire.
Son trait n'a pas l'élégance épurée d'un Carlo ou d'un Hérouard, ni le réalisme de Malteste,-qui n'hésite pas, lui, à reproduire la cellulite sur les fesses confortables de ses punies !...
Les femmes de Jim Black sont généralement grandes et (très) fortes, parfois carrément hommasses, et rarement dotées d'une agréable physionomie. Celle-ci, comme disait ma grand mère, c'est un remède à l'amour !...
Il fait quelques efforts pour rendre plus attrayantesles les "victimes", mais ses fouetteuses, bâties comme des portefaix, n'ont guère de charme !...
Black fait aussi volontiers dans ce que j'appelle "la fessée improbable", avec une gestuelle parfaitement irréaliste. J'ai posté un sujet là-dessus ICI .
Quelques relativement jolies filles, pour changer...
Il dessine assez mal les mains et a adopté une forme générale et limite réaliste pour les hommes comme pour les femmes, qui me dérange toujours un peu. Certaines de ses illustrations sont plus soignées que d'autres. Avait-il plus de temps, le sujet l'intéressait-il davantage ?... Je ne sais, mais il commet parfois des dessins qui relèvent du croquis vaguement poussé, parfois même carrément bâclé, voir ci-dessus !...
Si les femmes de Jim Black sont souvent désavantagées, les hommes ne sont guère plus vernis !... Ses soumis sont mous, avec des corps en rondeurs grasses et de tristes visages veules souvent ornés d'une petite moustache ridicule...
Pour ce que j'en connais, les messieurs fessés de Jim Black, s'ils sont livrés au fouet ne sont jamais cul nu, (excepté les gamins) ce qui est assez amusant... S'agirait-il d'une volonté éditoriale ?...
Une petite bizarrerie pour conclure :
Selon certaines sources, les illustrations de "Mon Dressage,Cuisant Noviciat", de Paulette Vergès, aux "Orties Blanches", seraient de P. Beloti, bien que toutes signées Jim Black; deux illustrations seulement seraient de lui...
Je vous livre l'information pour ce qu'elle vaut, mais il est vrai que le style de ces images est assez différent de la production habituelle de Black. Pourquoi ?... Mystère.
En conclusion, je dirais que je ne suis pas séduit par l'oeuvre de Lafnet. Il a beau avoir été un illustrateur érotique prolifique (comme Waldo) Jim Black a la fesse triste !... Mais je ne pouvais ignorer quelqu'un qui a tant travaillé pour la cause de la fessée... Même si c'était juste pour bouffer !...
La modeste tombe de Luc Lafnet, à Rueil-Malmaison.
Ciao, Jim Black.
Sur Luc Lafnet, on consultera avec profit l'adresse ci-dessous :
http://le-bibliomane.blogspot.be/2010/03/luc-lafnet-1899-1939-un-oublie-des.html
(1) L'histoire de "spirou",-75 ans d'existence !- pour ceux qui aiment la BD, une adresse très instructive : http://blog.spirou.com/75ansdespirou/